mercredi 1 juillet 2009

9ème Cyclosophale - 10 ans, 1999-2009

Pour l’anniversaire des 10 ans du périple cyclosophique et la 7ème Cyclosophale, ils furent 7 représentants* de l’espèce Cyclo Faber Ludens Sapiens Demens qui partirent en voyage cyclosophique à la recherche d’on-ne-sait-quoi, qu’ambitieusement ils désignèrent pierre cyclosophale. Ils se nommaient l’Espiègle, le Disciple, le Sensdupoil, le Pugnace, Mitchoun, le Pondéré et Mézigue. Evidemment, ils étaient plus complexes que le simple qualificatif érigé pour les désigner ne le donne à penser et ils partageaient à eux tous les nombreux défauts qui forgent et fragmentent une société, fût-elle provinciale. Malgré la soif d’aventure qui les animait, leur pérégrination n'était pas exempte d'une certaine régularité. Ainsi, s’ils partaient nonchalamment le matin sur les routes lozériennes, voire cantaliennes, le midi des chemins aveyronnais ou tarnais les surprenait en train de se mesurer à coups de pédale, de mesurer qui aurait la plus grosse ou la plus grande… forme. Si l’un ne tenait pas son rang et osait prendre la tête du petit groupe, les violentes réactions qu’il déchaînait lui infligeaient une sévère correction. Car, il y avait des rangs, implicites, à confirmer, à soutenir, à bousculer, selon les cas et les jours, selon les circonstances et les essences. Le soir venu, ils réglaient leurs différends à coup de pintes et de pinard. Ivres d’omnipotence, ils se voulaient hors d’atteinte des règles élémentaires de l’esprit saint dans un corps sain. A coup de surenchères, chacun défiait le concurrent complice, l’invitant à ripailler outre mesure. Ils se surveillaient dans de pseudo agapes incipientes, buvant sans boire, frimant sans frein, craignant la faillite du lendemain. L’important, comme toujours, n’était pas là où il s’exhibait. L’essentiel, c’était le défi bachique, seul apte à conjurer, le soir, ce rien qui, le jour, les faisait rouler anarchiquement vers vaux, fonds et talwegs, cols, monts et bpf**. Et le lendemain, sur les routes lotiennes ou gardoises, ils remettaient cela jusqu’à plus soif. Oublieux de l’heure, des kilomètres et des dénivelées, ils se voulaient asymptomatiquement proches de l’état de liberté le plus accompli, seulement conscients, à leur dépens, du vent violent qui sévissait comme du froid pernicieux qui aiguillonnait leur avancée. Comateux ou groggy au sommet d’un pic ou d’une bosse, la vivacité de la descente les rendait à la vie. Vie de nomade, éloignée des balises du monde laborieux et de la performance. Vie de gyrovague qui s’ancre seulement au flux des chemins et s’y nourrit de sensations et pensées évanescentes. Alors, se développait le petit théâtre intérieur, empruntant à la suavité des alentours un cadre tour à tour voluptueux et sévère, luxuriant et sauvage, géométrique, rythmique ou foisonnant. Les frontières du dedans et du dehors s’absentaient, l’un et l’autre s’entremêlant, s’enrichissant ou s’annihilant, sur une cartographie psychique étendue, selon les aléas du bouillonnement sanguin et de la danse des fibres, directement proportionnels à l’élévation de la pente, à la densité des pancartes, des faux-plats et au rythme du roulement. Toutefois, dans les interstices de l’espace-temps cycliste comme dans ceux des creux du chemin, s’infiltraient vaille que vaille cette ouverture et ce laisser-être qui émergent aussi bien de la pratique cycliste que des merveilleux paysages de la Margeride, des Cévennes ou du Ségala. Alors ils baguenaudaient contemplatifs à la recherche de sensations, d’affects et de pensées qui, potentiellement, figureraient pour chacun les illusions singulières capables de combler le vide abyssal du rien qui peuple l’existence humaine dès qu’on en creuse un peu les apparences. Chacun était mu par des motifs différents. Tandis que l’un poursuivait un fantôme, que l’autre éparpillait tout au long de la route ceux qui avaient tenté de le suivre, qu’un troisième déclinait la liste des bourgades composant le brevet des provinces françaises, un quatrième s’initiait à la cyclosophie alors qu’un cinquième livrait bataille à des chimères, ayant pris formes de cols, et qu’un sixième dépeçait ses fesses, sans doute pour vérifier combien leur peau lui coûtait. Mais, au fond, quoi qu’il en soit des contingences, c’est bien le rien qui les réunissait. C’est bien ce rien qui les mobilisait et face auquel ils se mobilisaient, cherchant à extraire du chemin qu’ils traçaient, des palimpsestes qu’ils roulaient, quelques empreintes à malaxer, à envelopper, à développer, auxquelles donner figure et fantasme pour habiller et habiter ce rien qui nous ronge et nous émeut, qui nous abîme et nous transcende. Ce rien de la roue de la fortune et de la roue d’Ixion. Ils avançaient, ils avançaient ayant assez des sens pour nourrir leur essence. * Notre ami Fred, pilier de la cyclosophie, qui devait être parmi nous a dû renoncer la mort dans l’âme à ce divin plaisir à cause d’un automobiliste qui l’a renversé sur la route sans en assumer la responsabilité. **Bourgades qui épellent le Brevet des Provinces Françaises Des chiffres et des annales pour décliner le rien : - 1999; St Gervais-Nice - 2000; St Jean de Luz-St Cyprien-Plage - 2001; Clermont-Ferrand--Lac de Salagou - 2002; Mens-Aulas - 2005; Cluny-Aulas - 2007; Aulas-Carcassonne - 2009; Aulas-Figeac-Aulas _ Cru 2009: - 6 étapes - 810 km - D: 13555 m - 12 BPF - 23 cols