mercredi 27 juillet 2011

11ème cyclosophale, Corse du Sud, édition 2011

1.Porto-Vecchio – Pascialella de Muratello. Nous partîme zahun, zahun, zahun et cinq ; qui entrain, qui en sncf, qui par railway et les cinq autres en dacia par motorway. Ainsi, nous nous retrouvâmes à 8 sur le ferry marseillais qui mettait voile pour le Porto-Vecque, ce mercredi soir 15 juin. Premières heures à contempler la côte, la mer et le couchant, longeant Porquerolles et devinant les lumières niçoises. Ensuite déception de Freddo qui voulait consommer du signe en mangeant sur le resto du bateau – un restaurant sur un bateau de croisière, oui. Mais quelle croisière sur ce raffiot vibrant ! J’étais seul à avoir amené mes provisions, sachant la piteuse nourriture servie sur ces ferries, mais je me joignis tout de même à la troupe pour consommer une pizza piteuse. La nuit fut propice à revisiter nos itinéraires en sus d’être ronflante et vibrante. Belle température et chaude luminosité étaient au rendez-vous dès le petit-déjeuner pris à Porto-Vecque. Nous fûmes 8 pendant trois étapes, puis 8 pour une demi-étape et 7 et 1 pour les deux étapes et demi suivantes. Vous me suivez ? Non, ils ne me suivirent pas. Sept et un car yen ahun qu’a toujours des choses à faire, un peu compliquées, un peu burlesques voire fantaisistes, alors nos routes se séparèrent pour mieux se rejoindre. Mais elles ne se rejoignirent pas car les 6 survivants firent grève le dernier jour, jour prévu des retrouvailles. Le fantasque n’était pas avec nous, il a renoncé à la vie groupale. Puis l’un des 7 repris le bateau à Ajaccio et nous fûmes alors 6 et un, le un fantaisiste cheminant seul. Après nous être goinfrés en vue des montagnes à absorber, lesquelles en parallèle dévorent notre substantifique moëlle, nous tentâmes d’organiser un départ groupé. Pas simple avec les disparités des lents et des rapides et de ceux qui partent diversement équipés versus ceux qui partent dévêtus, au plus léger. Les inquiets et les insouciants. Les prêts-à-affronter toute situation et les imprévoyants. Sur la traditionnelle photo de départ, on remarquera que nous nous sommes un peu décatis depuis l’année passée et que l’un a nettement grossi. Ce dont il pâtira dans les montées. Qu’un autre a une coupe de cheveux deleuzienne, prêt à affronter le fameux paradoxe du comédien. Qu’un autre est caché derrière un rouge – à moins qu’il n’ait déjà fait son échappée coutumière du matin. Il semblait chercher à obtenir le prix de la combativité. Dès l’amorce du premier parcours – prévu Porto-Vecque – Porto-Vecque – deux groupes se dessinaient. Deux dévoués partaient placer la voiture au point d’arrivée, tandis que les autres cherchaient la bonne rampe de lancement pour la Bavella et son col réputé. Car en fait P°Vq-P°Vq, trop redondant, circulaire et vicieux, voire autistique, était remplacé par P°Vq-Pascialella. Tandis qu’à l’Ospedale je partais glaner le col de Mela (2A-1068b) pour nourrir ma Liste avide et exigeante de cols nouveaux, Dimahieu attendait le regroupement de la troupe par cette première montée dispersée mais pas débandée. Passé le magnifique lac cerné d’arbres, où je m’arrêtais pour un moment de contemplation, évidemment extatique, non sans oublier de déguster un petit gâteau de riz au caramel – soigneusement préparé par le bon Monsieur Yabon – et une saladière thon-pasta (ici, il faudrait dénoncer la vilenie de la grande distribution qui a étranglé les savoureuses saladières du Capitaine Cook, notamment l’Orientale et l’Indienne, pour promouvoir les Saupiquet qui ne leur arrivent pas à la cheville), je redescendais, comme mes prédécesseurs, à la côte 940 où je bifurquais sur un bon chemin pour aller cueillir la bocca di Barocaggio (2A-969a) et satisfaire ainsi ma Liste. Col sans intérêt alors que le Mela d’avant ouvrait sur la vallée où cheminait sur le versant occidental la route accédant à Orone, Carbini et Levie, que nous emprunterons le lendemain. Puis ce fut Zonza (lieu inscrit dans le Livre sacré du Brevet des Provinces Françaises), où mes coreligionnaires en cyclosophie étaient en train de se baffrer. La journée est trop courte et les emplettes copieuses pour que je m’arrête. Les Aiguilles de Bavella retiennent de gros nuages noirs et il fait bien frais lorsque je m’arrête pour quelques regards et quelques photos. Je retrouve les occupants de la voiture immatriculée dans l’Aveyron, un couple d’âge moyen, qui m’avaient félicité et encouragé bien avant dans la montée. Seul, on a toujours droit dans les grandes montées à des propos admiratifs. Plus souvent de la part des femmes que des hommes ! Le souvenir de paroles admiratives, déjà bien anciennes, à l’altiport de Courchevel – je venais alors de Brides-les-Bains où je m’étais trouvé par inadvertance dans un hôtel pour curistes à surpoids où, après des regards d’abord circonspects, j’avais réussi à m’imposer parmi les curistes malgré l’affront de ma filiformité ! – puis lors de la montée à l’Artzamendi – où courbé sur mon vélo j’affrontais du 21% - me reviennent avec émotion, sans doute parce que je pensais les mériter davantage qu’aujourd'hui et qu’elles provenaient de jeunes femmes avenantes… Egalement le souvenir d’un Italien enthousiaste, au sommet du col de Preit permettant l’accès à ce magnifique et vaste plateau à plus de 2000 autour de la Rocca Maya (Piémont), alors que je m’arrêtais pour prendre des photos et dont je ne décryptais parmi le flot verbal que le mot « campionissimo » ! De là à me prendre pour Fausto Coppi, il n’y avait qu’un pas, que je ne réussis pas, celui-là, à franchir. Souvenirs, souvenirs. Il en faut bien avec l’âge, ils font du bien. Retour aux pins de Bavella – quelle sorte de pins, je ne sais pas – sculptés par les vents et entrelacés aux roches. Aiguilles de roches et pins avec aiguilles se marient à merveille. A nouveau la Corse enchanteresse – la montée avant Ospédale n’avait rien de particulier. Belle descente vers Solenzara et retour de la bonne chaleur. Sur la route de cette côte Est, je croise une kyrielle de cyclistes avec bagages, de toutes nationalités, reconnaissables à leurs drapeaux souvent dressés sur l’arrière de leurs engins. Leur lest les confine aux bosses de la route côtière. Du coup, je m’inquiète pour les parcours où j’aurais mes petits bagages dans la montagne. On se fait des grands bonjours, on appartient à la gente cycliste. A Favone, je trouve facilement le Chemin Vicinal qui va m’amener à la modeste bocca di Via (2A-075b), dans un joli vallon avec vue sur la mer et la côte. C’est ma Liste qui va être contente. Elle ne coche que des unités, elle se fout que ce soit un 1999 m ou un 16 m. Pas moi. Par contre, elle aime les 2000 et plus, car ils sont nécessaires pour valider les centaines – il lui faut 5 cols à plus de 2000 pour valider une centaine de cols. Elle a des exigences, ma Liste. Je cherche à boire et à manger car vivre de l’air du temps par un temps pareil, ça ne marche pas. Mais pas grand-chose à se mettre dans la bouche – très différente de la bocca sus-citée. Pause restauration à Ste Lucie de Porto-Vecque où je fonce dans une petite supérette. 1,5 l de coca, 1,5 d’eau, bananes et nectarines sont les bienvenus. Téléphone pour faire le point et attendre la troupe. Freddo a cassé son attache de selle et il est parti en voiture pour faire réparer son vélo à Porto-Vecque. Je me demande, malicieusement, s’il l’a cassée exprès… Vers Favone, j’avais croisé un feu tricolore qui commandait une circulation alternée car la moitié droite de la chaussée était en réfection. Le réflexe cycliste, passer tout de même à droite du bornage, avait alors surgi en moi mais la couleur gris mouillé indiquant du ciment humide y avait mis un coup d’arrêt. Pas pour Denis, ce que j’apprends par le téléphone. Il s’est vautré dans le ciment frais après un soleil, sa roue avant s’étant évidemment plantée dans cette couche baveuse mais néanmoins tourbeuse. Une baignade sera nécessaire à lui redorer le blason, bien terni comme l’indiquent les photos. Inutile d’attendre le gros de la troupe car elle a changé d’itinéraire. Feue la boucle côtière qui évite la nationale et passe par la Foce (2A-048), il s’agit de couper par la D559 pour gagner Pascialella de Muratello et les Bungalows du Maquis, notre gîte. Alors je poursuis sans attendre. La route côtière ne s’élève jamais bien haut mais est très accidentée, peu roulante. A Ste Trinité je retrouve la Nationale que je prends à rebrousse-poil pour gagner la D759 et la bocca di Razali (2A-058a), rejoignant ainsi la voie qu’a pris la petite troupe. Toujours de petites bosses, un peu usantes. Je fais, comme les autres apprendrai-je plus tard, bêtement le détour par Muratello. Au pied des quelques derniers km de montée pour Pascialella, je rencontre le Lascar et Fred, arrêtés au bord de la route, rêvant que la voiture pourrait venir les chercher pour leur épargner cette dernière difficulté. Jolie montée. Dans les bungalows du maquis, ça monte très fort. Je savais qu’avec tous les tours et détours, ce serait une longue étape. J’ai plus de 7h de route, 151 km et 2560 m de dénivelée. Ce sera la plus longue étape du séjour. Je peux me goinfrer car mon savant compteur m’indique que j’ai brûlé 4290 kcal. Ma Liste a, elle aussi, été bien nourrie avec 14 cols. Nous étions inquiets car des avis de voyageurs descendaient en flèche ce lieu de séjour ou d’étape – les méfaits d’un concurrent ? –, alors que c’est un superbe site et que nous y avons été bien accueillis, bien logés et nourris. Merci les Bungalove. PS : la première étape étant si longue à narrer, il n’y aura sans doute pas de suite. Dommage car la suite était non moins passionnante… - c’est le narrateur qui le dit.