vendredi 26 août 2011

11ème cyclosophale, Corse du Sud, édition 2011. 2

2ème journée pérégrine en Corse, juin 2011. Pascialella-Bonifacio (Le Padolo) Départ groupé des Bunga-love du Maquis. Mais déjà un échappé, Freddo. A la jonction du chemin et de la route, je m’arrête prendre une photo de la plaine en contrebas. En déséquilibre dans la pente, n’ayant pas défixé un pied, à l’arrêt, voulant sauver l’appareil photo de la probable brisure destinale, je m’abîme un tendon rotulien. Toute la semaine, il me restera une légère inflation et la crainte d’une tendinite fatale. Cela restera virtuel. Nous roulerons ensemble mais disséminés jusqu’au col de Bacinu (2A-809a). Question ontosociologique : que signifie « rouler ensemble » chez les cyclosophes et plus largement pour un groupe de cyclistes aux potentialités et aux pratiques hétérogènes ? Jusqu’où la dissémination est-elle contenue par l’être-ensemble du groupe ? A partir de quel seuil, l’étant groupal devient-il inconsistant ? Onfray a-t-il évoqué cette question dans ses logorrhées ? Lorsqu’on fraye au départ et à l’arrivée, comme lors de cette journée, cela permet-il sans abus de langage d’affirmer que nous avons « roulé ensemble » ? Rouler ensemble, c’est frayer une voie. L’ouverture du chemin et sa fermeture en groupe, avec dans l’entre-deux des gyrovagations diverses, me semble permettre de dire que nous avons roulé ensemble. Au col de Bacinu, avec Dimahi, nous attendons la troupe. Elle arrive en ordre dispersé. Mais point de Freddo. Il n’est pas devant, il est derrière. Il a reconverti son échappée en un retard, en bifurquant à gauche et non à droite, dès le départ.Son militantisme (?!) l'a perdu. Je pars à la recherche du col de Ferula sur un sentier. Mais après avoir vagué sur un sentier évanescent envahi par les ronces, je renonce. Le dieu Liste ne mérite pas trop de sacrifices. Il faut à la recherche des cols du plaisir comme stimulant. Onfray, je pense, serait d’accord avec moi sur ce point. Encore qu’il y ait plaisir et plaisir. Quel type de plaisir peut-on trouver à déniger Freud au moyen de racontars de type « tabloïd » ? Dénigrement et ressentiment envieux ne sont pas du côté du plaisir. Je reprends mon chemin, seul cette fois, mais toujours sur la route que frayent mes amis cyclophiles. Une petite visite à la bocca d’Ava et j’arrive à Orone sans avoir rejoint les cyclosophes. A quelques encablures, la Foce d’Olmo me tend son chemin. Il s’avérera inutile que je sois monté jusque-là car j’y repasserai dans quelques jours. Mais nos tracés sont incertains, notre devenir, flou, et la Liste se nourrit au jour le jour. De toute façon, qu'y a-t-il d'utile à vélo ? Nous ne faisons que décrire des chemins qui ne nous mènent nulle part, sur des palimpsestes sans cesse redessinés. Demi-tour. Descente jusqu’à la côte 228, repérée à la montée, et montée par un CV jusqu’à Borivoli. Alors je m’engage sur un chemin pour une quinzaine de km. Chemin repéré sur Géoportail mais qu’en est-il de sa viabilité réelle ? Maintenant, je ne peux plus dire que nous roulons ensemble. Sentiment plaisant de solitude. Réminiscence : « Seul, comme je l’ai toujours été » (Lacan, discours de Rome – je crois), je dissous mon ego dans un coin perdu, loin de toute route pour quelques heures. Un col et deux « bocca » plus loin – Colombanu, Crusciatoggia et Arjola – me voilà ayant retrouvé l’asphale à Tarrabucceta. Un peu avant, à Piscia, j’ai entr’aperçu une ferme auberge plutôt avenante. Jamais vraiment bien loin de tout ! Bel endroit en-dessous des bergeries de Naseo. Maintenant, je cherche à boire car j’ai très soif. Il fait bien chaud et c’est très agréable mais mon vélo ne porte plus ces 49 kg d’eau habituels. Bien sûr pour monter, je suis allégé, mais le revers de la médaille – toute médaille, même cyclosophique, comporte un revers à son avers – c’est que mon sang, précieux pour alimenter en oxygène les bielles qui meuvent mes roues, voit son taux de sel augmenter, et puis le glycogène a besoin d’eau, et puis s’impose la fameuse formule : 2% de manque d’eau, c’est une baisse de 20% de l’efficience musculaire, et puis j’ai soif, soif, très soif et toujours soif. Ne trouvant pas une trace de fontaine, aucun Bonnefont dans les parages, je frappe à la porte d’une maison à Pruno. Une femme avenante veut bien me remplir mes bidons. Avant, elle me les lave. Le coca qui les a emplis la veille a laissé des traces noires et ça, une ménagère ne peut le supporter. Elle est dans ce hameau perdu, et apparemment désert, en villégiature. Seule, elle semble s’ennuyer. Elle a bien son livre posé sur sa chaise longue mais lire toute la sainte journée, ça peut devenir fastitidieux. Alors on cause. Elle va bientôt prendre une collation – une invite ? Il n’y a, me précise-t-elle, aucune alimentation, aucun café à la ronde, avant que je ne rejoigne Boniface. Justement, je dois retrouver mes copains à Bonifacio ou dans les environs. J’ai encore un gâteau de riz – merci Monsieur Yabon – et quelques biscuits, diététiques bien évidemment. Après la bocca di Sardi – les Sardes sont donc passés par là – c’est le col di San Pietro (Saint-Pierre y est-il descendu ?) et à quelques encablures, c’est la N 198. A gauche, Porto Vecque et à droite, Boniface. Je sors la carte et calcule la distance nécessaire pour retourner vers Porto-Vecque et effectuer la boucle côtière sous la sus-dite, où sont égrenés trois petits cols. Ils étaient prévus au départ de Porto-Vecque mais, comme nous n’avons pas dormi dans la sus-dite mais plus à l’Est à Pascialella si vous m’avez bien suivi, ils manquent à l’appel de la Liste. Calcul kilométrique pour un calcul horaire. Il faut beaucoup calculer à vélo. Le km vaut du temps. Et le temps nous est compté. J'ai beau ne pas avoir l'heure - j'ai supprimé sur mon compteur l'affichage de l'heure - la trajectoire du soleil impose sa courbe. Je n’ai pas beaucoup de km aujourd'hui, encore des forces, renouvelées par l’eau, mais plus beaucoup de temps. Ce sont les données de l’équation à résoudre. Les km de chemin, c’est leur inconvénient, sont beaucoup plus gourmands en valeur temps que les km de route asphaltée. Je suis en plein calcul lorsque j’entends hurler et vociférer, et vois défiler sous mes yeux une troupe de cyclosophes lancée sur la nationale en direction de Boniface. Alors, finis les calculs, tout est réglé, je prends à droite. Je rejoins la troupe pour frayer avec elle la fin du parcours et pouvoir affirmer philosophiquement que nous avons roulé ensemble. Je trouve un groupe rassemblé mais quelque peu magmatique, avec à sa tête, sur la file de droite, un Dimahi qui lance ses ordres, tentant d’organiser une rotation régulière, par la gauche, en vue de relais brefs. Il n’y a pas beaucoup de vent. J’ai pris un rythme pour les rejoindre. Je passe en troisième file pour prendre un relais. Mais ça monte un peu juste à ce moment-là et rapidement je m’aperçois que je suis seul. Je crains d’avoir désorganisé l’organisation mahiesque. J’attends un peu et J-B et Bernard me rejoignent. Je comprends que les deux Fred, bien que sur la route, sont quelque peu en déroute. Moments de flottement car la côte est assez longue et il y en a d’autres en vue. Je réfléchis. Car à vélo, outre calculer, il faut parfois réfléchir un peu. Nous gîtons hors Boniface et la voie qui mène à notre gîte, la route de Sartène, évite Boniface. Nous serons alors sur la route du parcours du lendemain. Or, Boniface fait partie du Brevet des Provinces Françaises et comporte en outre un petit col (Saint-Roch, près de l’église du même nom). Logique donc de partir devant pour aller à Boniface recueillir le fruit de mes peines et recouvrir celles-ci d’un menu plaisir. Un vrai plaisir car la ville est belle, le site soutient sa réputation. Ensuite, c’est la Foce di Lera avant d’arriver au gîte. Gîte à oublier. Nous sommes 7 dans deux chambres avec une salle de bains-wouatère commune et je suis arrivé le dernier – donc pas la meilleure place. Le tenancier saoulant doit payer sa cotisation à quelque organisation; le plus mauvais rapport qualité-prix du séjour ! Mais c’est une bien belle journée encore. Passée dehors au soleil. Seulement 104 km et 2000 m de dénivelée. Un seul passage à 16%, 11 cols et un BPF. Belle soirée à Bonifacio, dont la visite du cimetière que J-B a hanté pendant un bon moment.

mercredi 17 août 2011

des nouvelles

Les blogs vivent et meurent celui-ci vivote, quand même merci à Hubert pour sa contribution en forme de récit corse corsé et sa collecte d'images. Des nouvelles donc, juste pour vous confirmer le permis de démolir de la cahute au mur ocre et cyclosophique place du boulingrin, pour faire plus grand, plus haut, plus fort sans doute ? Alors un sitting est prévu devant les bulldozers pour éviter cette perte effroyable de notre pan de mur ocre, tenez vous prêt ! Jerry Oldtimes nous fait un intéressant signalement de textes : le livre "le cycliste perdu" sur l'épopée ratée du premier tour du monde à vélo au début du XXe siècle, et un entretien de Jalabert avec un prof de fac spécialiste de l'antiquité sur leur amour du vélo dans Philosophie magazine, pourquoi pas ! Aussi voir à podcaster les lectures des "Forcenés" de Philippe Bordaz par Jacques Bonnafé sur France-culture tous ces midis !! A quand une folle journée, une bonne vieille sortie, une partie de manivelle entre cycloportes ? Pour ma part je reçois l'assistant de Hilla Becher, Chris Durham le samedi 27 août prochain pour une sortie à Dieppe et retour, départ de chez moi vers 8h30, si les jambes vous en disent !? Bien à vous E.Pancarte