lundi 7 avril 2008
Retour de Flandres
Quelques mots d'un tour en Flandres sur la route du Tour des Flandres, ce samedi 5 avril dernier sous une pluie battante ou "Eddy chez les flahutes" par RG. J'hésite longtemps, la distance, la météo, le manque de jambes; mais Pascale veut aller à Bruxelles visiter une fois de plus les marges de l'art. Alors Ninove n'étant qu'à 23 kms de Bruxelles, alors même que j'ai renoncé au 140 kms en boucle depuis Ninove, je me dis que c'est un point d'arrivée possible et qu'en partant en amont après Courtrai ça me fera une centaine de bornes et un petit goût "die ronde" comme ils disent tous.
Finalement je choisi Ronse (Renaix en Français), c'est à une dizaine de bornes du parcours et facile à rejoindre par l'autoroute. Dès qu'on s'arrête à Ronse, la pluie se met à tomber, elle ne cessera qu'à mon arrivée à Ninove ! Le vendeur du garage Opel devant lequel je monte mon vélo viens me faire un brin de causette. En fait il veut me parler de lui (c'est comme ça en vélo on a des tas de trucs à raconter, des montagnes de choses, des souris (ou sourires) à accoucher...) il a été champion du monde amateur en 1963 à Renaix donc!, il parle mi-flamand, mi-français je comprends pas tout bien (ça va être comme ça toute la journée), il me resserre très efficacement la roue arrière, c'est un pro; comme je lui demande un conseil pour les braquets dans le Muur de Grammont, il me répond que je devrais laver mon vélo ! Il me laisse partir quand même, je ne sais pas son nom, il m'a juste demandé d'où je venais. Je file donc vers Etikhove, le premier col repéré sur la carte devrait être le Taaienberg (c'est le n°7); je rejoins finalement le parcours assez rapidement, juste au pied du col (ils disent comme ça "hellingen" : même si comme celui-là il ne fait que 530 m de long en pavé avec cependant un passage à 15,8%). Belle entrée en matière, il y a plein de monde, de tous les niveaux, le pavé est plein de boue, impossible de se mettre en danseuse, quelques-uns sont à pied, je m'accroche, 34x28, assis à l'arrache, chaque pavé est cerné par les traces fines des pneus dans la boue boue, c'est très joli et un peu effrayant, heureusement c'est court et suis content d'arriver sur le faux-plat; j'ai passé mon premier mont, berg, col, hellingen, coup-de-cul, appeler ça comme vous voudrez, j'y suis, je fais partie du long ruban de cycliste qui va jusqu'à Ninove; il n'y aura jamais plus de 50m d'écart avec un groupe devant, on a l'impression que toute la Flandre pédale, y'en a partout, y'a toujours quelqu'un pour s'abriter, se reposer ou relancer, franchement c'est génial, je vais à allure modeste, je savoure, même si je suis trempé et que le froid n'est pas loin. En haut de chaque col, la distance pour le suivant est annoncé, on est prévenu. De fait ils ne sont jamais éloigné, tout au plus 6 ou 7 kms, puisqu'en 65 kms sur le parcours je vais en escalader 9. Je me méfie des pavés, une mauvaise descente me rappelle rapidement à leurs bons souvenirs, mais il n'y aura pas de montée pavée avant le Muur de Grammont, et c'est celle-là que j'appréhende le plus, avec le monde et la boue; j'ai le souvenir de la reconnaissance avec Denis et des images tv des pros qui s'arrachent avec des braquets énormes. Attendons donc, goûtons notre affaire; les cols s'enchaînent tous goudronnés, tous bien pentus (style la montée de Caumont ou de Bosc-Guérard) mais globalement assez courts. Des noms me reviennent à l'esprit "Tenbosse", "Berendries", "Valkenberg", chaque fois arrivé au pied on sait à quoi s'en tenir : est indiqué la distance et les pourcentage moyen et maxi. Sur la route, protégée de bout en bout, la gestion de ce flux continu de cyclistes est très efficace : parfois des sas de 50 ou 100 coureurs sont prévus au carrefour ou sur une des voies avant les ronds-points, il faut alors attendre et écouter les discussions toutes en flamand, une sur trente est en français. Plus loin, on nous canalise sur les pistes cyclables et la file s'allonge indéfiniment, c'est alors quasi-impossible de doubler, mais mis à part quelques excités qui montent les bergs grand plateaux, tout le monde fait sa course bien sagement et il y en a pour tous les goûts. Avant d'arriver à Grammont on tourne longtemps dans et autour de Brackel puis de Saint-Maria-Lierde, la montée de Tenbosse me semble trop facile, le nom ressemblait à une montagne, ce n'est qu'une souris. Mais pointe le Muur: en arrivant de l'autre côté de la vallée on voit la chapelle qui indique son sommet, je frissonne, de peur, de plaisir, de froid, sûrement un peu des trois. En fait le parcours évite le centre-ville (là où nous étions arrivés d'une mémorable et belge folle journée), la montée débute sur le pavé des faubourgs et ne rejoint le Muur qu'un peu avant la barrière, il ne reste que 400m à faire avec le passage à 19,8%. 34x28, assis, j'attends que ça passe, le pavé glisse, plus on monte plus de gens sont à pied, double files de chaque côté. Au milieu en jouant des coudes, on arrive à se glisser, le fameux virage est devant moi, il faut crier, tout le monde crie, garder la trajectoire, suivre la roue devant, ne pas glisser, appuyer cuisse après cuisse, peser de tout son poids sur le vélo, éviter qu'il saute trop sur le pavé, tirer les bras, ça passe, crier, voici la terrasse du bar à gauche c'est presque fini, encore un virage sur la droite, la chapelle arrive, le pavé est plus serré, crier, y a du monde partout, c'est fini, crier, rire, ne pas s'arrêter, savourer, suis content, bien ! il nous faut pas grand chose : des trucs de gamin qu'on se traîne depuis longtemps et qui trouve là un exutoire, je l'ai fait. Aussitôt derrière la chapelle un toboggan vous propulse dans la descente, je me crois dans le film "l'humanité" de Bruno Dumont, une référence commune avec Descul, un sentiment de joie libre et ouverte où l'effort accomplit se conjugue à l'ouverture des paysages, je sais qu'il ne reste que 15 kms (je connais ma retransmission tv par coeur) et bientôt le Bosberg, la dernière bosse. C'est superbe une belle montée pavée dans la forêt qu'on aperçoit dès l'alignement des arbres taillés du faux-plat d'accès. Ensuite c'est le défilé vers Ninove avec le ballet des différents parcours VTT et autres qui se joignent au ruban des cyclosportifs. Dans Ninove, plusieurs escouades de cyclistes se croisent et s'entrecroisent, maintenant notre groupe est dévier, tout le monde ne prend pas le même chemin; un groupe de vététistes attends sagement à un carrefour, plus loin ce sera notre tour de regarder passer un peloton de 300 cyclos; nous sommes dans un formidable ballet, magistralement orchestré, on ne sait plus qui est devant ou derrière, j'ai l'impression que l'organisation décide du moment où tel ou tel groupe va passer la ligne d'arrivée à Meerbecke; après il faut encore continuer, c'est une vraie-fausse arrivée, tout le monde à gagner, tout le monde est content d'être là ! Pour ma part, je quitte le cortège, la pluie a cessé, il me reste 23 kms d'une ligne droite horrible et interminable pour rejoindre Pascale et Bruxelles; mais le soleil est revenu et il est partout dans moi !
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