dimanche 9 septembre 2007

4, 5, 6. Fin de la 7ème cyclosophale

Beau soleil à Duilhac, ce matin 28 juin 07. La Peyre, ouverte, le laisse généreusement passer, lorsque nous descendons vers Cucugnan pour franchir ensuite le Grau de Maury. Belle remontée par les cols de Pourteil et de Tauc avant l’Arnac. Sinuosités entre les collines dans des vallées désertes et sous une bonne chaleur, que peut demander de plus le peuple d’en bas ! Détour vers Sournia, BPF. On s’avale le col des Auzines sous la poussée dimahique et nous nous laissons descendre jusqu’à Vinça pour le repas et le rassemblement des troupes. Rien d’attirant dans ce bistrot. Je file, car j’ai des cols à aller chercher, dès que le briscard qui conduit l’automobile nous a rejoint, après être parti à notre rencontre à vélo mais sur une autre route. Et dès que le Gars-dit-niais est revenu de son périple chez un vélociste – on le croyait perdu. Chez les cyclosophes, point d’itinéraire, ça change tout le temps, seulement un départ et une arrivée, et encore. Chez le kiné, point de matériel fiable. Il masse tellement ses pneus au moyen d’asphalte calleuse qu’on en voit la corde ; et dans des chambres si insalubres qu’elles en deviennent poreuses. Au final, on se croise et on se décroise au gré des circonstances. On se voit à midi, parce que la bouffe ça compte et le soir, plaisir des retrouvailles. Nous déjouons le Canigou par l’Est et le col de Palomère, tandis que Freddo, qui refuse les routes blanches, sur la carte, choisit une rouge et une jaune, sur lesquelles, dit-il, il n’y a pas d’imprévu. Je le croise tout à coup, notre Goliath, en me dirigeant vers le Xatard et ses satellites puis je le retrouve dans la vallée du Tech à Amélie. Nous partons de conserve vers Prats-de-Mollo et faisons une halte de désaltération pour lui et de restauration pour moi. Scène cocasse : il est seul à la terrasse d’un café, en lien social avec le loufiat, devant son Perrier – c’est fou ! Quand je suis sur un banc, en face, après avoir devisé avec la caissière du petit supermarché qui m’a conseillé ses abricots (du Roussillon !) et son eau minérale pyrénéenne, que je déguste sur la voie publique, et avant que je ne fréquente la papetière qui m’expliquera que le marchand de journaux prend sa retraite, ne trouve personne pour le remplacer et ne travaille plus pour l’instant qu’un jour sur deux. Alors, on est jeudi et, pour mon Libé, il faudra repasser. A Prats-de-Mollo, à nouveau 150 km et 2750m de dénivelée. C’est la surprise chaque jour car l’itinéraire a été conçu à la six-quatre-deux et si nous avons une estimation assez fiable du kilométrage, pour la dénivelée faut voir. Ce matin, c’est le départ de l’étape pyrénéenne espagnole. De la vraie haute montagne avec, frustration, un presque 2000. Trois cols à la suite dans la même montée au col d’Ares, c’est byzance. Quelques dures rampes nous indiquent qu’on va bien vers la haute montagne. Freddo et Dimahi nous attendent au premier col avec la voiture pour nous dire adieu et nous souhaiter bon voyage. Fred, le gars-dit-niais, est reparti hier soir vers son horizon toulousain, nous ne sommes plus que trois pour l’Espagne. Bien sûr, les trois vaillants piliers de la cyclosophie. La descente est mirifique avec une asphalte du tonnerre. A Ripoll, je m’arrête au feu tricolore ne connaissant pas les us et coutumes de ce pays et leur tolérance à la gente cycliste. Alors, je vois passer eddy et le lascar, pour lesquels les feux tricolores sont depuis longtemps monocolores, voire incolores, inodores, inaudibles et incompréhensibles. Qui me double lorsque le feu passe au vert ? La guardia civile. Et celle-ci, bien éduquée, ne s’occupe que des automobilistes pour lesquels le code de la route a été conçu. Parfaitement logique, mon cher Watson. Enfin nous quittons la grand route pour le joli Coll de Merolla et ses montagnes russes. A la Pobla de Lillet, nous tournons à droite et bien mal nous en prend car ça monte terrible. Et parfois, on redescend tout sec ce qu’on vient de douloureusement escalader, le moral dans les chaussettes. A Castellar de N’Hug, moutchel et moi-même nous arrêtons à la charcuterie fromagerie épicerie tandis que le Lascar poursuit sur sa lancée l’attaque bien préméditée du Coll de la Creueta. La charcuterie est délicieuse, on découvre des spécialités inconnues. La Creueta est un aride désert, on aperçoit au loin les virages ou épingles, au bout de longues courbes. Il n’y a plus de soleil mais c’est superbe. Nous nous séparons à la Molina, je vais chercher deux cols. Puigcerda-Saillagouse, le vent est de face et c’est l’enfer : collés au bitume, « forçats de la route » comme en train de tirer des troncs d’arbres, arqués sur les pédales qui résistent. Et pourtant, le plaisir de rouler, la fougue de rouler est toujours là. 157km, 2890m de dénivelée et 12 nouveaux cols : un vrai mat de cocagne !

Dernière étape, il faut une ponctuation, en tout. De la descente sur 150km. Ivresse de rouler, dérouler, enrouler.

Peu d’ascensions. Vallée de l’Aude. Escapade à Quérigut. Retrouvailles avec l’Aude à Escouloubre. Gorges de St-Georges. Défilé de Pierre-Lys. A Limoux, la petite route pour St Hilaire (BPF) me fait découvrir, en outre, deux cols. A St Hilaire, on vide le débit de boissons. Du soleil et de la chaleur à gogo, le bonheur est sur le vélo. Carcassonne, c’est Freddo qui nous retrouve, pile-poil, et nous emmène chez sa sœur.

156km, 1425m de dénivelée et 6 cols, quand même.

Un petit tour dans les murailles de Carcassonne, retour mitigé à la vie ordinaire dans une belle architecture dépouillée, pourtant polluée par les marchands du temple.

Accepter que ce soit fini n’est pas si simple, heureusement que d’autres investissements nous appellent comme le plaisir de retrouver sa chère et tendre.

Nous avions débuté cette semaine sous de très bons auspices : le rire contagieux, spontané, sporadique et récurrent de Min. Elle s'est poursuivie avec le soleil et des alentours somptueux. Hi, hi, hi, hi...

Au bilan cycliste, 901km, 14720m de dénivelée, 55 cols et 7 BPF.

Plaisir des chiffres, du glaneur de cols mais ce n’est qu’un épiphénomène. L’agalma qui met en branle. L’essentiel est le plaisir du vélo, la liberté de se mouvoir dans un monde, une branloire pérenne (Montaigne), au plus loin de l’appât brutal du gain, des illusions de prestance et des billevesées de l’agitation.

Toujours, même au cœur du plus épais brouillard, existe une route et un appel à l’utopie, à l’uchronie. Qui existent, nous les avons décrites sous les tours et détours de nos roues. Et paradoxalement, sur le vélo, c’est toujours le plaisir d’être là, en mouvement, qui en marque l’essence comme la nécessité. Un être-là dans une autre temporalité, un être-là et pourtant en mouvement.

Hi-Min

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